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Le travail à l’ère de la COVID.

Être un sans domicile fixe ou un campeur, c’est au fond la même activité, mais dans un cas vous l’avez choisi. Et c’est ce choix qui fait toute la différence. Finalement pour le télétravail c’est un peu la même chose lorsque du jour au lendemain, on bascule des millions de gens dans une nouvelle pratique du travail qu’ils n’avaient jamais expérimentée. Autant dire que la pandémie a bouleversé les habitudes de myriades de gens, tirant sur les résistances psychologiques et nous poussant vers la grosse fatigue.

Il faut dire que beaucoup de gens n’étaient pas prêts, voire même, que beaucoup d’entreprises n’étaient pas prêtes. Après avoir passé des années à écarter les velléités de certains salariés à travailler depuis leur domicile quelques jours par semaine, les directions se sont retrouvées brutalement sans alternatives. Sans alternatives, sauf pour les plus obtuses d’entre elles, celles qui pensent qu’un salarié ne travaille que s’il est surveillé et qui ont poussé vers un présentéisme mortifère pour la confiance dans la hiérarchie.

Mais une fois à leur domicile, l’impréparation au télétravail a amené dans un premier temps à la reproduction des mêmes schémas qu’en entreprise avec un mode opératoire nécessitant beaucoup de contacts synchrones entre les gens. Cela s’est traduit par un volume incroyable de temps passé en visioconférence. J’ai ainsi quelques-uns de mes camarades patrons qui m’ont dit être complètement éreintés après avoir enquillé 7h de visio dans la même journée.

Pour pratiquer le télétravail depuis quelques années, avec une politique complètement ouverte sur la question, on arrive rapidement à quelques conclusions évidentes sur la refonte de l’organisation nécessaire pour vivre un travail à distance heureux et efficace.

Télétravail au mois d’Octobre par 25° dans la piscine.

La règle cardinale pour bien vivre son télétravail est simple : il faut éviter au maximum le besoin de synchronicité dans l’entreprise. La formule est un peu abstraite, alors nous allons un peu la développer. Quand vous êtes dans des bureaux, l’accès à vos collègues est simple. En faisant quelques mètres, voir même en restant sur place pour les chanceux qui sont en bureau paysagé (ça sonne mieux qu’open space, non ?), vous pouvez adresser la parole directement à un de vos collègues en profitant d’une communication à très large bande passante. Vous êtes en parfaite synchronicité avec lui et vous pouvez lui demander si il a l’adresse du contact pour le dossier machin. Votre réponse arrive de suite et vous pouvez continuer votre travail.

Cette façon de faire est évidente, mais quand vous êtes dans un travail qui demande une forte concentration, c’est déjà très loin d’être optimal. En effet, si vous dérangez votre collègue, appelons le Martin, pendant qu’il est en train de finaliser un algorithme de généralisation de la découpe de toit à n-dimensions, il risque de ne pas être très joyeux d’être interrompu dans sa réflexion. Vous allez sans doute vous prendre une réponse assez sèche puis il va passer les 30 prochaines minutes à se remettre dans le bain de ses réflexions afin de pouvoir avancer sur son travail.

Rapidement dans les métiers nécessitant de la concentration, des stratégies de protection du temps de concentration ont commencé à émerger avec le bannissement des notifications qui vous sortent de votre tunnel et la promotion du développement des moyens de communication asynchrones avec des outils genre Teams / Slack (dont on peut débrancher les notifications). Ces changements en entrainent d’autres ; car subitement pour être performant il faut savoir anticiper, anticiper par exemple les informations dont on aura besoin avant d’arriver au point où l’absence de cette information est bloquante. D’où l’apparition de phénomène de planification et « d’office hours » pour délimiter les plages de disponibilité des gens dont la concentration est un bien précieux.

Il y 7 ans quand j’expliquais que l’on avait besoin de la fibre pour la symétrie des débits, on me répondait que l’ADSL était suffisant. Nous n’aurions sans doute plus du tout le même débat aujourd’hui.

Pour le télétravail, l’évolution est que vous ne disposez plus que d’une bande passante restreinte sur un mode de communication qui nécessite de votre part de l’hypervigilance pour traquer les réactions de tout le monde pendant les réunions. Si l’on rajoute les soucis de technique, on arrive rapidement à des phénomènes d’épuisement. Et là, la solution ne sera pas de rajouter des machins qui tournent et autres jeux à la con pendant vos visioconférences, mais simplement de réduire au maximum les besoins de synchronicité.

Cela veut dire favoriser des réflexes de communication écrite, de la rédaction de documentation et du respect de la concentration de chacun. Cela signifie aussi de déployer un système d’information qui supporte ce genre de communication et les outils qui vont avec. Mais ne pas oublier que ces outils sont nécessaires mais insuffisants, ils ne vont pas tout seul changer les habitudes des gens.

Tout cela pour dire que les pratiques doivent évoluer, et vont évoluer, car à présent la boite de pandore est ouverte et le télétravail choisi risque d’être un critère important pour le choix d’un emploi qui permet ce genre de pratique. Et si les entreprises vont devoir s’adapter à ce changement de paysage, pour les salariés aussi cela risque aussi d’amener l’évolution des compétences afin d’être performant dans l’entreprise.

Pour faire simple (et un TL;DR) : à votre place, j’apprendrai à mieux m’exprimer à l’écrit.

2 commentaires sur “Le travail à l’ère de la COVID.”

  1. Oui d’accord sur le coté « fenêtre de tir » pour la communication entre collègues. Ça limite aussi le nombre de fois où se fait déranger pour une question qui se résoud tout seule avec 5 minutes de délai et donc on peut rester dans son tunnel. Par contre j’ai vu apparaître des problèmes plutôt humains par manque de communication entre les équipes techniques et commerciales. des « j’ai cru que etc… » et là le contact humain direct met souvent de l’huile dans les rouages. D’un autre coté, la solitude pèse parfois même au plus « ours » des développeurs et lorsque l’équipe se retrouve parfois pour des réunion en présentiel, ils passent un bout de temps au début à parler simplement de tout et de rien. Juste pour retrouver un contact social. On a une habitude chaque matin depuis le télétravail.On commence le matin par une énigme et chacun essaie de trouver la soluce. Cela permet de remplacer le contact autour du café du matin. C’est vraiment attendu par l’équipe. Ensuite chaque équipe fait sa réunion Meet. Voilà pour mon expérience autour du sujet.

    1. Stéphane Becker

      Bien entendu, je préfère aussi faire une réunion en présentiel et c’est mieux pour la santé mentale de tout le monde. Mais quand tu n’as pas d’alternative tu t’adaptes. En tout cas entretenir la convivialité dans l’équipe est aussi un vrai sujet.

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